Principes du Français en immersion

En immersion, il faut enseigner le français comme une langue seconde dans toutes les matières.(Netten, 1994, p. 23)

La langue cible est donc avant tout un moyen de communication qui permet de véhiculer des pensées, des idées et des sentiments, et non un objet d'étude.

Un processus cyclique : tour à tour sur les parties et le tout

Le tout - accent mis sur le sens (utiliser ses compétences)

Les parties - visent la forme (acquérir les compétences)

Le tout - intègre le sens et la forme (utiliser ses compétences acquises pour faire quelque chose).

Les principes suivants pour le programme d'immersion proviennent de la recherche effectuée en didactique des langues secondes. Cette recherche porte sur l'acquisition d'une deuxième langue, les pratiques pédagogiques efficaces, les expériences d'apprentissage signifiantes et sur la façon dont le cerveau fonctionne. Ces principes doivent être pris en compte constamment dans un programme d'immersion française.

Les occasions d'apprendre le français ne doivent en aucun cas être réservées à la classe de langue, mais se trouver au contraire intégrées à tous les autres domaines d'étude obligatoires et aux activités quotidiennes à l'école (y compris journées spéciales, excursions, discipline).

Le langage est un outil qui satisfait le besoin humain de communiquer, de s'exprimer, de véhiculer des pensées. C'est, en outre, un instrument qui permet l'accès à de nouvelles connaissances.

On sait que les élèves apprennent mieux la langue cible :

  • quand celle-ci est considérée comme un outil de communication

Dans la vie quotidienne, toute communication a un sens et un but - (se) divertir, (se) documenter, partager une opinion, chercher à résoudre des problèmes ou des conflits. Il doit en être ainsi de la communication effectuée dans le cadre des activités d'apprentissage et d'enseignement qui se déroulent en classe.

  • quand celle-ci est considérée dans sa totalité

L'apprentissage et l'enseignement de la langue cible ne dépendent pas de l'introduction, selon une séquence définie, d'éléments fragmentés et isolés.

L'enseignement ne doit pas consister à aborder des éléments isolés avant d'amener les élèves à la découverte d'un tout : l'apprentissage de mots de vocabulaire, de structures, de la prononciation correcte ne précède pas la conversation, pas plus que celui de l'alphabet et de la phonétique ne précède celui de la lecture, ou que l'apprentissage de mots de vocabulaire, de structures, de l'orthographe, de la grammaire ne précède celui de l'expression écrite.

La découverte des conventions de la langue cible et de ses mécanismes - qu'il s'agisse d'orthographe, de calligraphie, d'organisation des idées ou de structure des phrases et des textes - s'effectue dans le contexte de conversations, de lectures, de visionnements et de rédactions de messages et de textes ayant un sens et un but. Il ne s'agit en aucun cas de négliger le développement de connaissances spécifiques, mais bien d'aborder ces concepts dans le contexte de la communication afin d'en faciliter l'acquisition.

Une classe d'immersion doit être le cadre d'une interaction constante.

Il faut utiliser la langue comme outil d'apprentissage pour comprendre et pour s'exprimer.

  • quand ils ou elles ont de nombreuses occasions de l'utiliser, en particulier en situation d'interaction

Il faut que les élèves aient de nombreuses occasions de s'exprimer à l'oral comme à l'écrit tout au long de la journée, dans divers contextes. Ils doivent pouvoir chaque jour prendre part à des conversations et écrire en français, même si cela implique des hésitations, des erreurs.

Les activités de groupe et l'apprentissage coopératif favorisent l'interaction nécessaire au développement de l'habileté à s'exprimer de façon prolongée dans la langue cible et devraient ainsi faire partie du quotidien dans le programme d'immersion.

  • quand ils ou elles ont de nombreuses occasions de réfléchir à leur apprentissage

Les activités d'apprentissage doivent viser à faire prendre conscience à l'élève des stratégies dont il dispose pour la compréhension et la production dans la langue cible : il s'agit de faire acquérir des « savoir-faire » pour habiliter l'élève à s'approprier des « savoirs ».

Pour comprendre - à l'oral comme à l'écrit - les élèves doivent prendre conscience des indices qui les aident à comprendre (gestes, intonations, images, paraphrases, répétitions, musiques de fond), émettre des hypothèses, confirmer ou infirmer ces dernières en se basant également sur les indices fournis par le contexte de la communication, puis intégrer les informations ainsi obtenues à leur bagage de connaissances antérieures. Ils doivent s'habituer à interrompre leur interlocuteur pour lui indiquer qu'ils ne comprennent pas, mais aussi accepter le fait qu'une compréhension globale suffit pour que la communication s'effectue et donc qu'ils n'ont besoin d'interrompre leur interlocuteur ou de consulter un dictionnaire que dans le cas où un mot essentiel à la construction du sens global n'est pas compris.

Pour s'exprimer - à l'oral comme à l'écrit - les élèves doivent planifier ce qu'ils ou elles vont dire (présentations et interactions de tous les jours) ou écrire, en fonction de leur intention de communication et des caractéristiques du public, décider comment ils ou elles vont exprimer leurs idées (choix de vocabulaire, de structures, de procédés stylistiques) et faire un retour critique sur leur production (objectivation et révision). Pour contourner les limites de la compétence de production en langue seconde, ils ou elles doivent prendre conscience des diverses stratégies verbales et non verbales sur lesquelles ils ou elles peuvent s'appuyer pour véhiculer le sens de leurs messages : gestes, mimiques, paraphrases, questions telles que « Comment dit-on ... en français? »

  • quand ils ou elles ont de nombreuses occasions d'utiliser la langue française comme outil de structuration cognitive

Les activités d'apprentissage doivent permettre aux élèves de développer une compétence langagière qui leur permet de s'exprimer en français en même temps qu'ils ou elles observent, explorent, résolvent des problèmes, réfléchissent et intègrent à leurs connaissances de nouvelles informations sur les langues et sur le monde qui les entoure. Pour faire le transfert de ce qu'ils ou elles ont appris à des contextes variés, les élèves doivent utiliser trois connaissances : ils ou elles doivent déterminer quelles connaissances utiliser (déclaratives), comment les utiliser (procédurales) et quand et pourquoi les utiliser (conditionnelles).

Les élèves doivent pouvoir exercer les fonctions cognitives dans leur langue seconde.

En immersion, l'école est, dans la majorité des cas, le seul lieu où les élèves ont l'occasion d'être exposés à la langue française.

  • quand ils ou elles ont de nombreuses occasions d'utiliser une variété de strategies

Les élèves ont besoin d'apprendre comment sélectionner et utiliser une gamme de stratégies avant, pendant et après les activités d'écoute, de visionnement, de lecture, de représentation et d'écriture. En observant, explorant, prédisant, formulant des hypothèses et des questions, analysant, inférant et en faisant la synthèse dans les situations d'apprentissage, les élèves accèdent à de nouvelles informations et se construisent de nouvelles connaissances. Cela leur permet de réaliser le plus efficacement possible leurs projets de communication et plus globalement, leur projet d'apprentissage : avant, pendant et après.

  • quand ils ou elles sont exposés à une grande variété de textes

Les élèves ont besoin d'écouter, de visionner et de lire une variété de textes afin de développer une véritable compétence de compréhension et de communication dans leur langue seconde. Cette variété doit comprendre les quatre types de textes : oraux, imprimés, visuels et multimédias. Autant que possible, ces textes devraient être rédigés en français.

  • quand ils ou elles sont exposés à d'excellents modèles de langue

En immersion, l'école est, dans la majorité des cas, le seul lieu où les élèves ont l'occasion d'être exposés à la langue française. Il est donc primordial que l'école leur permette d'entendre parler la langue française et de la lire le plus souvent possible, et que cette langue leur offre un très bon modèle. Ainsi, littérature, revues, affiches, listes de mots et d'idées élaborées au cours de remue-méninges, étiquettes, cassettes, livres-cassettes, émissions télévisées et radiodiffusées, spectacles, et autres occasions d'exposer les élèves à la langue cible, doivent être utilisés en abondance et être rédigés dans un français clair et exempt de fautes.

  • quand il y a un climat de confiance qui favorise en particulier la prise de risque

L'élève qui ne se sent pas en confiance, qui a peur de s'exprimer, de vérifier ses hypothèses sur le fonctionnement de la langue parce qu'il a peur de faire des erreurs aura peu de chances de développer ses compétences au niveau de l'expression en français.

On veillera à ne pas faire pression sur l'élève pour qu'il s'exprime avant de se sentir capable, et à ne pas punir, pénaliser ou ridiculiser les erreurs. Les tentatives des élèves pour s'exprimer, à l'oral comme à l'écrit, doivent être valorisées. Quant aux erreurs, elles sont inhérentes à l'apprentissage et constituent des indicateurs des stades de développement des élèves. Il est important de comprendre que ceci ne signifie en aucun cas que l'enseignant ou l'enseignante tolère l'erreur sans se préoccuper d'y remédier. Il doit au contraire prendre note des erreurs, en évaluer l'importance relative, et les prendre en considération, selon leur importance, dans sa planification ultérieure.

Si une activité est définie concrètement, le niveau de frustration chez l'élève est réduit.

Si le contexte communicatif manque, l'élève a tendance à mal interpréter le message et texte de l'enseignant par rapport à une activité spécifique. (Adair-Hauck, p. 541).

  • quand les situations leur permettent de faire appel à leurs connaissances antérieures

 Dans la planification des activités, l'enseignant ou l'enseignante doit chercher à activer les connaissances antérieures qu'ont les élèves et à relier leur vécu à la situation d'apprentissage, afin de soutenir la compréhension et de faciliter l'accès à de nouvelles notions. Quelques exemples d'activités qui mettent à contribution les connaissances qu'ont les élèves du sujet abordé sont : faire faire des expériences concrètes, lire des histoires à structure prévisible, faire anticiper le contenu d'un texte, amener les élèves à définir l'intention de leur lecture ou la raison pour laquelle ils ou elles regardent un film, ou encore poser des questions préalables.

La compréhension de la langue seconde, la compréhension d'autres cultures et en particulier de la culture des pays francophones, ainsi que la compréhension des concepts introduits dans les divers domaines d'étude obligatoires, se trouve facilitée lorsqu'un lien est établi entre le vécu des élèves et la découverte du nouveau.

  • quand l'apprentissage est porté par la dynamique du sens et que les situations d'apprentissage sont signifiantes

Les élèves ont besoin de se situer dans un contexte authentique avec les intentions de communication réelles afin de donner un sens à leur apprentissage et à l'usage de la langue cible. Les expériences d'apprentissage concrètes et de nombreuses occasions d'interagir et de s'aider mutuellement ajoutent à l'utilité qu'ils ou elles ont à s'exprimer en français. Une approche thématique et les intérêts et besoins des élèves offrent des contextes authentiques. Accompagnés, par exemple, de beaucoup de conversations, de dramatisations, d'activités de résolution de problèmes en groupe, d'activités d'écoute, les enseignants et les enseignantes pourvoient au développement de la compréhension et de la production des élèves. Les enseignants et les enseignantes ont, par conséquent, des occasions de présenter le contenu notionnel en contexte, puisque les formes de langue sont présentées à l'élève au moment où il en a besoin pour communiquer.

quand les situations d'apprentissage accordent une place à la diversité des styles d'apprentissage et des formes d'intelligence

Les élèves apprennent et montrent leurs connaissances et leur compréhension d'un concept de façons différentes. Il faut donc constamment essayer de trouver de meilleures façons d'enseigner à chaque élève pour lui permettre de réaliser tout son potentiel et de réussir dans ses études. L'enseignant ou l'enseignante doit utiliser une variété d'approches pédagogiques pour aider ses élèves à utiliser tous leurs points forts : des représentations visuelles et physiques des concepts, l'acquisition de concept, des explications verbales à plusieurs niveaux, certaines données par des élèves, des manipulations de matériel précédant la présentation d'un concept, l'enseignement direct, etc.

  • quand il y a de nombreux et fréquents contacts avec le monde francophone et sa diversité linguistique et culturelle

Les contacts avec le monde francophone permettent aux élèves d'utiliser et d'enrichir la langue cible dans les situations vivantes, pertinentes et variées. Les élèves sauront que le français est une langue vivante et qu'il y a vraiment des gens qui s'en servent pour communiquer tous les jours, tout comme ils et elles se communiquent entre eux tous les jours en anglais.

  • quand les modalités d'évaluation reflètent et soutiennent ces principes d'apprentissage

Au niveau élémentaire, le but de l'évaluation est avant tout d'améliorer le processus d'enseignement et d'apprentissage, de mettre en évidence les besoins et les intérêts individuels afin de guider la planification de l'enseignement. Les méthodes d'évaluation doivent souligner l'aspect développemental de l'apprentissage d'une langue, faire la distinction entre maitrise de la langue et maitrise du contenu et s'effectuent - tout comme l'enseignement - dans le cadre d'une communication authentique. L'évaluation a lieu quotidiennement, tout au long d'une unité et non uniquement en fin de chapitre ou d'unité. L'observation quotidienne au cours des activités d'apprentissage doit avoir une place importante dans l'évaluation.

Ajouts tirés de : 1996. Cadre commun des résultats d'apprentissage en français langue seconde - immersion (M-12), Protocole de collaboration concernant l'éducation de base dans l'Ouest canadien (de la maternelle à la douzième année), p. viii.